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L’Interview

Moi, ce qui me plairait, Si j’étais artiste, ce serait d’être interviewée, comme à la télévision. Seulement les serveuses de café, on les interviewe jamais. Ça serait pourtant chouette.

(Elle arrange se coiffure et s’assoit sur une chaise. Elle met un tablier.)

Lui - J’ai maintenant le plaisir de vous présenter notre invitée, Ginette Pitard. Bonjour Ginette, je vous remercie d’être venue.

Elle - Bonjour Pierre.

Lui — Nous sommes très heureux de vous accueillir dans notre émission, Nous avons déjà eu le plaisir de votre visite, lors de votre passage au café du commerce.

Elle — Oui cela fait deux ans maintenant. J’en garde encore un souvenir merveilleux.

Lui — Et vous venez d’entrer au café des sports.

Elle — Exactement, oui. C’est encore tout frais, J’ai commencé il y a tout juste un mois.

Lui — Racontez-nous un peu comment cela s’est fait, Vous connaissiez monsieur Marcel ?

ELLE — Pas vraiment, pas personnellement, en tout cas. Bien sûr, comme tout le monde, j’avais vu quelques uns de ses cafés, celui de la Gare de Lyon, et puis celui de Barbès. Cela faisait déjà plusieurs années que je voulais travailler avec lui mais, pour des tas de raisons, ça n’avait pas pu se faire. C’était pour moi un peu un rêve.

Lui — Et le rêve s’est réalisé.

Elle - Oui, je n’en reviens pas encore.

Lui — Racontez-nous comment cela s’est fait.

Elle - Oh ! Très simplement. Monsieur Marcel m’a téléphoné un soir, Il m’a dit qu’il m’avait vue dans le café du commerce. C’était en 1970 ou en 1969, je ne sais plus.

Lui — C’était en 1970 et tout ceux qui s’intéressent de près à votre carrière n’ont pas oublié votre performance. Malheureusement, je crois savoir que l’expérience n’a pas duré longtemps. C’était un excellent café, mais il n’a pas très bien marché.

Elle — Non pas très bien. Il a été exploité très peu de temps en fait. Je ne regrette pas d’y avoir travaillé... Bref.., Monsieur Marcel m’a vaguement dit ce que j’aurais à faire. Et j’ai aussitôt accepté, presque sans réfléchir, bien sûr. Vous vous rendez compte. C’était tellement inespéré de travailler avec lui. Je lui ai fait entièrement confiance.

Lui — Je comprends. Mais dites-moi Ginette, on vous a souvent vu travailler dans des cafés, est-ce que vous n’avez jamais eu envie de faire autre chose, d’occuper un autre emploi.

Elle — Si, bien sûr, comme toute le monde dans ce métier. Nous rêvons tous de faire autre chose. Je voudrais travailler dans une librairie. Mais on ne m’a pas encore fait de proposition. J’attends. Qui sait ? Je crois beaucoup à la chance.

Lui — Vous êtes maintenant sous la direction de Monsieur Marcel. Est-ce
que cela ne vous change pas des autres patrons de bistrots que vous avez eus ?

Elle - Oui et non. Monsieur Marcel est un personnage assez extraordinaire, j’aine ce qu’il fait, la façon dont il nous dirige. II est un des rares patrons que je connaisse à aller au fond de chacun, à exploiter ce que l’on a de meilleur en soi. Il sait faire appel à la fois à notre intelligence et à notre sensibilité. Et ça, même pour la petite serveuse qui gagne le SMIC. Monsieur Marcel dit toujours, « Dans un café, il n’y a pas de petits emplois ». D’ailleurs, Monsieur Marcel travaille toujours beaucoup les rôles de second plan, les serveuses
surtout. Il les prend à part dans l’arrière salle et leur explique ce qu’elles ont à faire.

Lui — On dit qu’il est assez autoritaire,

Elle --- Bien sûr, on peut parler d’autorité. Mais c’est avant tout un homme qui sait ce qu’il veut et moi j’aime ça. Il sait vous mettre au service d’une idée. Ga ne va pas sans problèmes parfois. Mais l’essentiel, c’est le résultat.

Lui --- Vous pouvez nous parler de vos projets ?

Elle — C’est difficile, je n’aime pas parler tant que je ne suis pas sûre. Disons que Monsieur Henri monte un café juste en face du nôtre, Ce serait un café d’un style très différent. Il est possible qu’il me confie un rôle de serveuse. C’est son premier café, avant, il a fait beaucoup de buvettes. Il n’est pas sûr de trouver l’argent nécessaire. C’est très difficile quand on débute dans ce métier. J’aurais peut-être un rôle si l’affaire se fait. Je ne sais pas encore. Je préfère ne pas en parler à l’avance.

Lui — Eh bien, je vous remercie beaucoup. Rappelez-nous le nom du café où vous travaillez.

Elle - Le café du commerce, de 7 heures à 19 heures. On fait relâche le lundi.

Lui — Je crois que vous êtes entourée d’une distribution éblouissante.

Elle — Oui. Des gens extraordinaires avec qui c’est très agréable de travailler. Il y a Annette et Sylvie, les serveuses. Et puis Polo et Antoine, les barman et Josua, le plongeur, quelqu’un qui a fait une très belle carrière au Portugal avant de tenter sa chance en France. Et puis, bien d’autres ... j’en oublie certainement. J’espère qu’il me pardonneront de ne pas tous les citer.

Lui — Certainement. Je vous dis « À bientôt » et je vais maintenant poser quelques questions sur votre carrière à nos candidats ...





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